Appel à communication pour le 7e colloque international de l’Association transdisciplinaire pour les recherches historiques sur l’éducation (ATRHE). Université de Reims Champagne Ardenne, INSPÉ de l’académie de Reims, site de Charleville-Mézières, 2 au 4 juin 2026
Existe-t-il un rapport spécifique aux enjeux éducatifs dans les territoires décrits comme « en marge » ? Peut-on parler, en termes éducatifs, d’une singularité de ces territoires ? Que signifie apprendre, se former et enseigner dans les espaces de banlieue, insulaires, montagnards, périurbains, ruraux, etc., tant en France – y compris dans ses extensions coloniales et post-coloniales – qu’au sein d’autres contextes nationaux ?
Ce colloque invite à se pencher sur l’éducation dans les marges par l’entrée territoriale, dans une perspective tant historique que socio-historique. Les marges constituent une pluralité de territoires par leurs natures, leurs situations, leurs atouts et contraintes. Celles-ci se définissent dans un rapport évolutif à des espaces, des territoires, des groupes sociaux jugés centraux ou davantage conformes à certaines normes. Il en découle des rapports de domination plus ou moins forts. La notion de marges renvoie également à ce qui est loin, en périphérie, voire à la frontière. Ce colloque vise d’abord à dépasser l’opposition entre centre et périphérie, car les marges relèvent de territoires et de dynamiques très hétérogènes. Il veut aussi analyser le caractère relatif et évolutif de la marge en fonction des échelles envisagées et des périodes étudiées. Pour échapper à une vision statique qui essentialiserait des territoires « en marge », l’objectif est de comprendre comment des enjeux éducatifs s’articulent avec des processus de « marginalisation ».
Analyser les territoires en marge amène à examiner des représentations mais aussi des réalités vécues par celles et ceux qui y résident ou y travaillent. La question des marginalités territoriales et des inégalités qu’elles génèrent est posée depuis les années 2000 par la géographie sociale notamment, ainsi que par des sociologues qui ont mis en évidence les particularités des trajectoires scolaires des enfants ruraux (Alpe & Barthes, 2014 ; Champollion, 2013 ; Fagnoni et al., 2017). La question de l’éducation reste néanmoins encore relativement en retrait lorsqu’elle s’observe à partir de ces espaces.
Dans le champ de la recherche historique, les directions explorées par des travaux pionniers ont ouvert de nouveaux terrains d’analyse. Parmi eux, plusieurs ont montré l’intérêt d’étudier les territoires en marge en mettant en évidence les liaisons réelles et imaginaires entre les petites patries et la grande (Chanet, 1996 ; Corbin, 2011), ou encore les ambiguïtés intrinsèques à la scolarisation dans l’Empire colonial (Reynaud-Paligot, 2020), mais aussi le rôle central joué par les instituteurs et institutrices dans le développement de l’École au sein des territoires ruraux (Ozouf, 1967 ; Gavoille, 2010). L’étude du rôle de la localité comme acteur premier (administrés, population, clergé) dans le développement de l’éducation a ouvert de nouvelles perspectives quant aux liens entre enjeux éducatifs et territoires (Blanc-Serra, 2014 ; Dotti, 2020 ; Duvignac-Croisé, 2013 ; Granet-Abisset, 1996, Ferrand, 2020 ; Julliard, 2019 ; Legris, 2021 ; Simien, 2023). La question possède également une dimension économique comme lorsque des familles désirent scolariser leurs enfants, filles comme garçons, loin de leur domicile (Condette, 2012). Enfin, la dimension linguistique de la marginalité doit également être prise en compte (Le Cam, Le Pipec, 2024).
Il convient de porter l’attention sur l’ensemble de ces lieux en marge afin d’analyser l’organisation et les stratégies mises en place par celles et ceux qui y vivent. Il s’agit aussi de prendre en compte, au-delà du cadre scolaire et universitaire proprement dit, des contextes éducatifs variés, qu’ils concernent la formation des adultes, les expériences d’éducation populaire ou les efforts visant à contribuer à la réinsertion de délinquant·es par le biais de l’éducation. Une attention particulière sera portée à la diversité des situations locales. En se focalisant sur les territoires en marge, ce colloque invite à porter un autre regard sur l’histoire de l’éducation, à en analyser les contextes particuliers, les enjeux et les dynamiques à l’œuvre.
Trois axes sont proposés :
Inventivité et stratégies des acteurs (axe 1)
Les dynamiques scolaires dans les marges sont l’œuvre d’une multiplicité d’acteurs. Celles et ceux issu·es du monde éducatif sont régulièrement conduits à inventer et à aménager l’école. Les instances locales (maires, conseils municipaux), les représentants du pouvoir central (préfets, recteurs) et les parlementaires ainsi que les ministres peuvent contribuer à imposer, assouplir, voire contourner les normes, comme dans les Outre-Mer (Fageol, 2021 ; Ferrarrini, 2023) ou dans les territoires ruraux (Cocaud, 1999). D’autres catégories de personnes régulièrement oubliées sont les populations locales elles-mêmes, qui peuvent se mobiliser en faveur de la création ou du maintien d’un établissement scolaire. Par-delà les contraintes (géographiques, économiques, sociales) qui les caractérisent, ces territoires en marge présentent des ressources réelles et des cultures particulières. Comment les acteurs locaux évaluent-ils les besoins éducatifs et comment agissent-ils pour que ceux-ci soient pris en compte (Caspard, 1998) ?
Mobilités des élèves, des personnels et des établissements (axe 2)
La mobilité fait partie intégrante de la vie scolaire ou des loisirs pour les enfants et adolescents résidant dans ces espaces et territoires. La question des distances et de l’accessibilité des lieux de formation représente un véritable enjeu éducatif. Des travaux historiques récents ont montré dans le contexte suisse l’existence de corrélations entre les taux d’alphabétisation au sein des villages et leur éloignement vis-à-vis des écoles (Schmidt, 2022). Hier à pied, aujourd’hui en transport (ramassage scolaire ou véhicules familiaux), nombreux sont les élèves qui, dès leur plus jeune âge, doivent se déplacer sur un trajet long. Mobilité également lorsqu’il s’agit de poursuite d’études. Comment les élèves, leurs familles et les enseignants envisagent-ils les prolongations de scolarité et les études supérieures selon l’offre locale disponible ? Comment s’opèrent les arbitrages, entre partir ou rester (Ansellem-Mainguy, 2021) ? Cette mobilité peut également concerner les enseignants (par exemple « les instituteurs ambulants » des XVIIIe et XIXe siècles ou les écoles ambulantes agricoles ménagères du XXe) et autres personnels (ATSEM notamment). La question de la proximité des établissements avec les familles est décisive et peut conduire à l’élaboration de structures aux formats originaux, notamment un déploiement sur plusieurs territoires comme les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) ou des bibliothèques scolaires nomades.
Organiser et administrer (axe 3)
Les représentations de ces territoires et leurs réalités sont fluctuantes et complexes, y compris au sein même de chacun d’eux. Soulignons à titre d’exemple le rapport entre désertification (exode rural, désindustrialisation) et attractivité nouvelle liée au processus de « rurbanisation ». Les moyens financiers et humains accordés à ces territoires évoluent au fil du temps, permettant la tenue de classes rurales aux effectifs très faibles durant plusieurs décennies avant des fermetures de classes accompagnées de mobilisations fortes (Barrault-Stella, 2021 ; Legris, 2021). La gestion de la pénurie de moyens, le coût important de ces établissements à effectifs réduits conduit à demander plus, comme avec les ZEP rurales (Heurdier, 2023), à demander une organisation et une administration potentiellement différentes au sein des territoires ultramarins, (post-)coloniaux ou étrangers notamment. Comment s’articulent alors les politiques scolaires aux différentes échelles territoriales, y compris lorsque ce territoire s’avère intégrer une frontière ? Il sera intéressant de comprendre aussi comment les situations évoluent lorsque des territoires à la marge deviennent plus attractifs, ou a contrario, lorsqu’ils intègrent un processus de marginalisation.
Consignes aux auteur·rices de propositions :
Ce colloque est ouvert à toutes les périodes historiques et à toutes les échelles, du local à l’international ou au transnational. Sont bienvenues les propositions qui intègrent les outils d’analyse tels que le genre ou la race.
Les personnes souhaitant proposer une communication sont invitées à nous adresser un titre et un bref résumé de leur contribution (300 mots / 2000 signes maximum) en français ou en anglais. Ce résumé devra présenter l’enjeu historiographique et la problématique de la communication, préciser la périodisation et comporter une description du corpus des sources traité. Il devra inclure une bibliographie de 5 titres et proposer 4-5 mots-clés.
Les auteur·rices sont prié·es de préciser leur fonction ainsi que leur affiliation institutionnelle. Les propositions seront rédigées sous forme d’un document Word au format .docx dont le nom sera celui de l’auteur·rice, noté en majuscules. Les propositions de communication seront soumises à expertise. Les notifications d’acceptation parviendront en septembre 2025.
Les propositions seront envoyées à : colloqueatrhe2026@gmail.com avant le 15 mai 2025.